Conseils pour mieux apprécier une exposition de bonsaï

Par David Easterbrook

Pendant ma longue carrière comme artiste de bonsaï, j’ai visité de nombreuses expositions de bonsaï, au Japon mais aussi dans plusieurs autres pays. J’ai donc pensé partager quelques réflexions et conseils sur la manière de mieux apprécier une exposition,

Je suis toujours impressionné par le respect que le public japonais a pour chacun des arbres en exposition. La file des visiteurs avance très lentement, chaque spectateur prenant une longue pause directement devant chaque bonsaï, quelquefois s’abaissant pour mieux en examiner le point central. Par la suite, le visiteur bouge de droite à gauche afin d’observer les côtés et l’arrière du bonsaï. Enfin, il peut se passer quelques minutes pour que le visiteur puisse percevoir l’ensemble de l’installation, le rouleau (kakemono ou kakejiku), la table (shoku), la plante compagne (shitakusa) et sa plaque (jiita). L’étiquette est aussi lue attentivement, révélant le nom japonais de l’arbre et du propriétaire ainsi que des informations au sujet du pot et de son fabricant. Souvent un titre poétique est attribué à des arbres célèbres et même un statut de trésor national.

En contrepartie, les bonsaïs présentés lors de nos expositions locales semblent faire l’objet de peu d’attention ! Les visiteurs marchent de façon désinvolte devant les arbres, prenant peu de temps pour les étudier attentivement, encore moins pour les contempler admirativement. On pourrait presque dire qu’il s’agit d’un affront tant envers les propriétaires des arbres que leurs créateurs. Quelqu’un en effet a mis temps et énergie pour créer une œuvre d’art et cette personne est fière d’en montrer le résultat. Cet effort mérite d’être mieux apprécié.

Alors, que devrions-nous faire lors d’une exposition ?

Voici des étapes qui vous permettront de mieux apprécier votre visite.

  • Déterminer l’impression générale.
    1. S’il s’agit d’un conifère. projette-t-il un sentiment de force et d’âge avancé avec un puissant nebari (base des racines), une écorce fissurée et peut-être jin et shari ?
    2. Les arbres décidus, quant à eux, devraient montrer le summum de l’élégance, avec des courbes gracieuses du tronc et des branches fines et délicates. Ils devraient aussi transmettre un sens du passage des saisons, habillés de leurs fleurs au printemps ou portant fruits et feuilles colorés à l’automne.
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  • Examiner la silhouette.
    1. La silhouette est-elle symétrique ou asymétrique ?
    2. Donne-t-elle une impression d’âge ?
    3. L’artiste a-t-il placé les branches de sorte qu’elles remplissent les espaces vides ?
    4. Et, plus important encore, la forme de l’arbre ressemble-t-elle à celle que son équivalent en nature pourrait avoir ?

  • Admirer la table de bois (shoku).
    1. La table améliore-t-elle la beauté de l’arbre sans en enlever l’importance ?
    2. Le propriétaire a-t-il fait le bon choix de la table ? Un arbre imposant requiert une table solide et bien structurée, alors qu’un arbre délicat devrait être placé sur une table plus fine et élégante.
    3. Les proportions sont aussi importantes. Les arbres courts devraient être élevés sur des tables plus hautes et vice versa pour des arbres hauts. Le pot de l’arbre ne devrait jamais couvrir la table, s’ajustant à l’intérieur du panneau central. Il n’est pas toujours possible de trouver la table parfaite, l’option d’une table plus large est alors préférable à celle d’une table plus petite.

  • S’attarder à la plante compagne (shikatusa).
    1. Est-elle bien placée, dans le sens opposé au mouvement de l’arbre principal ?
    2. Son mouvement se dirige-t-il vers l’arbre principal ?
    3. Est-elle de la bonne dimension en rapport avec l’arbre principal ?
    4. Son pot est-il d’une forme et couleur différentes du pot du bonsaï qu’elle accompagne ?
    5. Est-elle développée de manière excessive ? Aurait-elle bénéficié d’une taille avant l’exposition ?
    6. Montre-t-elle des couleurs saisonnières ?
    7. Finalement, et de façon plus importante, la plante compagne ou la combinaison des plantes respectent-elles l’environnement naturel où le bonsaï croit ? Ainsi, les pins et les genévriers seront accompagnés de plantes alpines croissant au soleil, alors que les ormes et les érables devraient être exposés avec des fleurs de prairies ou des couvre-sols forestiers comme des fougères.

  • Donner de l’importance à la plaque (jiita).
    1. Le jiita devrait être naturel et sobre. Les jiita polis, fabriqués à partir de noeuds, sont des choix populaires. Ils peuvent être ronds, carrés, rectangulaires, ovales. Ils peuvent aussi être des petits coussins ou des tatamis miniatures, mais jamais des rochers.
    2. Sa dimension doit être juste assez grande pour qu’on l’aperçoive sous le feuillage de la plante.

  • Juger de l’harmonie de l’ensemble.
    1. Tous les éléments exposés forment-ils un tout harmonieux ? L’art d’exposer est appelé keido au Japon. Plusieurs experts passent de nombreuses années à étudier les principes selon les maîtres de keido.
    2. L’exposition devrait avoir un thème : il peut s’agir d’une saison ou d’un événement, et même évoquer des souvenirs d’un paysage favori en montagne ou d’un bord de mer.  Dans ce dernier cas, par exemple, le rouleau (kakemono) devrait illustrer la scène, soit des vagues déferlantes ou une mer agitée ; le bonsaï quant à lui serait un pin battu par le vent comme ceux poussant sur une île de la mer intérieure du Japon ; et, plutôt qu’un shitakusa, un suiseki (paysage de roche) serait l’accompagnement en représentant une île ou la côte rocheuse. Ainsi, chaque élément devrait complémenter les autres sans être répétitifs.

 

Tout ceci conclut les réflexions qui devraient vous habiter lors de votre contemplation de chacun des bonsaïs de l’exposition.

 

Enfin, si vous connaissez le propriétaire de l’arbre que vous venez d’admirer, prenez quelques instants pour le féliciter et le remercier de ses efforts. Quiconque s’adonnant à l’art du bonsaï, qu’il soit novice ou expert, apprécie les commentaires positifs et constructifs.

 

Bonne visite !

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