Fertilisation des bonsaïs

par David Easterbrook

Ce n’est pas nécessaire d’être diplômé de la polytechnique pour apprendre comment bien fertiliser. Les bonsaïs ont besoin des mêmes éléments nutritifs que les autres plantes. Pourquoi alors trouvons-nous difficile de concevoir un régime de fertilisation approprié pour nos collections de bonsaïs?

Ce sont souvent d’autres conditions de culture qui rendent la fertilisation des bonsaïs compliquée. Le premier facteur déterminant, est que chaque bonsaï exige une lumière adéquate pour lui permettre de produire des sucres par le processus de photosynthèse. Une lumière insuffisante, en durée ou en intensité, va ralentir l’absorption de l’eau et des minéraux, ayant comme résultat le ralentissement de la croissance de nos bonsaïs.

Un autre facteur tout aussi déterminant, est le substrat de culture des bonsaïs. Aujourd’hui, les bonsaïs sont cultivés dans des substrats artificiels pour permettre une aération et un drainage optimaux. Mais ces substrats hors-sol, ne contiennent aucun élément nutritif et retiennent quatre fois moins d’eau et de minéraux qu’un sol riche en humus !

La réaction naturelle que nous avons, est d’augmenter la quantité d’engrais utilisés pour compenser le peu de rétention de nutriments de notre substrat. Mais cette réaction est mal avisée car le taux de sels minéraux deviendra trop élevé et on risque alors de brûler gravement les racines. Donc, lorsqu’on emploie des engrais de synthèse, la seule solution est d’utiliser des doses minimales d’engrais tout en augmentant la fréquence des fertilisations.

Tel que mentionné plus haut, les bonsaïs ont besoin des mêmes éléments nutritifs que les autres plantes. Les trois éléments principaux, essentiels à la croissance des plantes, en plus du carbone et de l’oxygène, sont l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K). La composition de chaque type d’engrais, chimique ou organique, est indiquée par trois chiffres représentant le pourcentage de chacun de ces éléments, dans l’ordre. (Ex : 5-10-5) De ces trois éléments, le premier, l’azote (N) est le plus important. La plante se sert de l’azote pour la formation de ses cellules. Sans une quantité suffisante d’azote, la plante est également incapable d’absorber les autres éléments. Le phosphore (P), le deuxième élément majeur, est essentiel à la croissance des racines, ainsi qu’à la floraison et à la fructification. Le potassium (K), troisième élément, joue un rôle souvent sous-estimé. Il permet à la plante d’absorber l’azote et le carbone et de les métaboliser. Il est également primordial pour l’aoûtement de l’arbre et sa résistance aux maladies.

Autrefois, la plupart des engrais contenaient du phosphore en proportion égale à l’azote et au potassium. Mais les recherches scientifiques ont démontré que le phosphore est nécessaire en quantité beaucoup moins importante. Donc aujourd’hui, la formulation considérée idéale pour les arbres est dans les proportions suivantes : 5-1-3.

Une compréhension du fonctionnement de chacun de ces éléments ainsi que du rôle essentiel des éléments mineurs (Ca, Mg, Fe, Cu etc.) nous permet de concevoir un régime de fertilisation approprié. Ce régime doit varier selon la saison et les espèces d’arbres de notre collection.

Le bonsaïste averti devra commencer à fertiliser dès l’éclosion des bourgeons, généralement à la fin avril dans la région de Montréal pour les bonsaïs hivernés à l’extérieur.

Au printemps, l’engrais devrait avoir une proportion d’azote (N) plus élevée. Si vous employez des engrais de synthèse, c’est-à-dire des engrais fabriqués à partir des éléments chimiques vendus en poudre, voici les meilleurs formulations disponibles sur le marché :

  • 24-8-16 Plantes tropicales (Plant Prod)
  • 21-5-20 Polyvalent (Plant Prod)
  • 20-7-19 Conifer Growes (Peter’s Professionnel)
  • 20-8-20 Jeunes Plants Forestiers (Plant Prod)

Ces formulations pourront être utilisées jusqu’à la mi-août. Alors, l’apport d’azote devra être diminué pour permettre à la plante de ralentir sa croissance et commencer à accroître ses réserves de sucres pour soutenir la croissance du printemps prochain. C’est alors le temps de changer d’engrais pour en prendre un, contenant moins d’azote et plus de potassium. Ils sont vendus comme engrais automne/hiver et seront employés jusqu’au début octobre ; après cette date, la plupart des bonsaïs sont en dormance et n’exigent plus de fertilisation.

Les trois meilleures formulations disponibles sont :

  • 5-11-26 Hydro-Sol (Peter’s Professionnel)
  • 4-25-35 Finition pour conifères (Peter’s Professionnel)
  • 8-20-30 Finition pour jeunes plants forestiers (Plant Prod)

Les engrais mentionnés ci-haut, sont distribués par la compagnie Plant Prod Québec, située au 3370 boul. Le Corbusier, Laval, Québec. Le seul inconvénient, est qu’ils se vendent en assez grosses quantités, soit des sacs de 11,34 kg et 15 kg

Pendant la période de croissance, il est primordial que l’apport en engrais, et surtout l’azote, soit maintenu à un niveau optimum. Pour arriver à cette fin, le bonsaïste peut employer trois méthodes.

La première consiste, comme nous l’avons déjà dit, à utiliser des engrais de synthèse, à condition de diminuer la concentration utilisée et d’augmenter la fréquence de fertilisation. Par exemple, au lieu de fertiliser à une dose d’un gramme par litre à toutes les deux semaines, il faut utiliser un dixième de cette dose à chaque arrosage.

La deuxième méthode, souvent employée par ceux qui sont trop indisciplinés pour ajouter de l’engrais à chaque arrosage, consiste à utiliser des engrais enrobés à libération progressive. Ces engrais se dissolvent progressivement dans le substrat, sur une longue période. Ils sont disponibles en plusieurs formulations (N-P-K) et différents temps de libération. Il est préférable d’employer un engrais ayant une période de libération de 7 à 9 mois. Encore une fois, une formulation approchant la proportion 5-1-3 est l’idéal. Mes préférées sont :

  • 18-6-12 T 8 mois Acer (Plant Prod)
  • 15-9-11 T 140 jours ou 180 jours (Nutricote)

Par contre, des problèmes sont associés à l’utilisation de ce type d’engrais. Ils ne fonctionnent pas bien pendant les périodes froides. De plus, si les granules sont déposées sur la surface du substrat, elles peuvent être déplacées par l’arrosage ou la pluie et ainsi être gaspillées. Vous devrez donc incorporer ce type d’engrais dans le substrat lors du rempotage.

La troisième méthode de fertilisation, consiste à utiliser des engrais d’origine organique. C’est celle qu’emploient toujours les experts japonais. Ces petits gâteaux, constitués de farine de tourteaux de colza, servent à enrichir les sols pauvres en éléments nutritifs. Ils créent un environnement riche en activité microbienne. La décomposition des engrais organiques, en leurs éléments composants est effectuée par des bactéries et des mycorhizes. Celles-ci sont activées par la température et l’humidité du sol. L’utilisation d’engrais organiques engendre une dynamique entre les besoins en nutriments du bonsaï et leurs disponibilité dans le sol. Quand la température ambiante monte, il faut augmenter la fréquence des arrosages ; la demande en éléments nutritifs augmente aussi, et parallèlement, l’activité microbienne qui fournit nos bonsaïs en minéraux, accélère. Les éléments nutritifs sont libérés lentement et régulièrement, ce qui est étroitement lié aux besoins de nos bonsaïs ; tout à fait le contraire des engrais de synthèse qui libèrent d’un seul coup tous ses éléments, provoquant une poussée de croissance rapide suivie d’un lessivage rapide de l’engrais et l’absence totale de nutriments.

Un autre avantage des engrais organiques, est que la plupart sont considérés comme complets. C’est-à-dire qu’ils contiennent, en plus des éléments majeurs, tous les éléments mineurs nécessaires pour soutenir une croissance optimum, contrairement à la plupart des engrais de synthèse qui ont peu ou pas d’oligoéléments, ce qui peut provoquer des carences chez nos bonsaïs.

Est-ce que les engrais organiques ont des désavantages? Oui, d’abord, les bactéries qui les décomposent en éléments de base, ne s’activent que si le sol est à 15°C et plus. Donc, il est inutile d’utiliser ces engrais tôt le printemps ou tard l’automne. De plus, ils sont relativement inefficaces lorsque employés à l’intérieur car, là encore, ils nécessitent la chaleur du soleil et une humidité adéquate pour être activés. Et ils dégagent une odeur désagréable. Les autres désavantages sont leur coût élevé et leur disponibilité limitée. En Amérique du Nord, une boulette d’engrais de colza peut coûter entre 00,50 $ et 1,00 $. C’est paradoxal parce que ces engrais japonais sont fabriqués de résidus de colza souvent importés du Canada.

Ces boulettes doivent être remplacées mensuellement, donc trois à quatre fois par été, ce qui augmente considérablement les coûts. Il faut se les procurer dans certains commerces spécialisés en bonsaïs ou directement du Japon, ce qui complique les choses.

J’ai résolu ces deux problèmes en fabricant moi-même mes boulettes d’engrais organiques. Vous pouvez consulter sur ce lien ma recette de boulettes d’engrais. Non seulement la formulation (N-P-K) est-elle presque identique à celle des boulettes japonaises mais le coût de revient est minime, quelques cents par boulette, et je peux en faire des milliers dans une journée.

Alors, voici comment je fertilise mes bonsaïs. Au printemps et à l’automne, j’utilise des engrais de synthèse ayant une formulation appropriée à la saison, et en été, j’emploie des engrais organiques de ma confection. Ceci a certainement facilité ma vie, car en été j’ai simplement à déposer mes boulettes et laisser la nature faire son travail, sachant que mes bonsaïs auront tout ce qui leur faut en éléments nutritifs.

Boulettes d'engrais   Boulettes d'engrais

Bonne fertilisation !

 

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